Le recours à l’intérim hospitalier est devenu un enjeu éthique central pour les hôpitaux. Il apporte une flexibilité précieuse, mais son usage intensif pose des questions d’efficacité, de coûts et d’impact sur la qualité des soins. L’enjeu n’est pas de “supprimer l’intérim”, mais de le rendre complémentaire d’une organisation plus durable.
Comment structurer la gestion des remplacements pour garantir à la fois continuité des soins, autonomie et bien-être des soignants ? Et comment concilier l’urgence du remplacement rapide avec une politique RH soutenable ? Ces questions appellent une réponse systémique : mieux tracer, mieux anticiper et élargir le vivier disponible.
Une approche plus intelligente du remplacement est expérimentée afin de renforcer le suivi des agents et de créer des alternatives structurées à l’intérim. Plusieurs leviers sont mobilisés : portail dédié, feedback bidirectionnel, vision consolidée des horaires cumulés, et mobilité institutionnelle.
Pourquoi l’intérim devient un risque quand il devient structurel
Quand l’intérim sert à combler un sous-dimensionnement chronique, il déstabilise les équipes fixes, augmente la charge de coordination et fait grimper les coûts.
Recours à l’intérim hospitalier : une complémentarité viable
La question n’est pas “intérim ou pas intérim”, mais “dans quelles conditions l’intérim reste utile et soutenable”.
Ce qui existe aujourd’hui : une logique de cascade
Lorsqu’un besoin de renfort apparaît dans un service, un cadre de santé lance une demande via la plateforme dédiée. La demande suit une logique de cascade : elle est d’abord envoyée à l’agence partenaire privilégiée. Si celle-ci ne peut répondre, la mission passe automatiquement à l’agence suivante, et ainsi de suite.
Ce système garantit une réactivité élevée tout en conservant une hiérarchisation claire des partenaires. Il apporte aussi une traçabilité précieuse, utile pour analyser les volumes réels de recours externe.
Au CHU Saint-Pierre (Bruxelles), l’équipe mobile interne est intégrée à cette mécanique. Cela permet de mobiliser rapidement des ressources déjà présentes dans l’institution, avant de solliciter l’extérieur, tout en gardant une visibilité complète sur chaque remplacement.
Intégrer un vivier interne avant l’externe
Mobiliser d’abord le réseau interne réduit les coûts, stabilise les équipes et renforce l’appartenance.

Un meilleur pilotage des ressources humaines
L’utilisation de la plateforme offre un suivi précis des renforts externes. Les directions disposent d’une vision objectivée du nombre d’ETP mobilisés via contrats temporaires, service par service. Cela permet de réinterroger les dotations structurelles et de sortir progressivement d’un pilotage “au feeling”.
Pour les cadres de santé, les bénéfices sont immédiats : moins d’administratif, plus de transparence, et une gestion plus fluide des absences imprévues. Sur le plan stratégique, c’est un levier pour corriger les zones de dépendance et réduire le recouts à l’intérim en traiter les causes racines.
Rendre visible la dépendance à l’intérim
Sans données consolidées, l’intérim devient une habitude. Avec des indicateurs partagés, il devient un choix maîtrisé.
Une prochaine étape au CHU St Pierre : ouvrir le dispositif à d’autres profils
Dans une logique d’élargissement progressif du vivier mobilisable, le projet vise à intégrer des infirmiers hors agences dans la plateforme. Cette évolution permettrait à des soignants aux profils variés de s’engager ponctuellement, volontairement, sur des missions ciblées.
Exemples concrets :
- Une infirmière hors soins (enseignement, coordination…) souhaitant intervenir un week-end par mois en gériatrie
- Un professionnel en CDI voulant réaliser des heures dans un autre service avec exonération fiscale
- Un étudiant infirmier ayant été apprécié en stage et souhaitant revenir comme jobiste
Cette ouverture valorise la diversité des parcours, améliore la répartition des ressources dans l’hôpital, et offre une alternative plus directe, plus souple et plus respectueuse de l’autonomie des professionnels. C’est une réponse très concrète aux limites du recours aux agents intérimaires.
Construire un vivier “hybride” et volontaire
Plus le vivier est large, plus l’hôpital anticipe. Moins il subit.
Un engagement commun : transparence, reconnaissance et retour d’expérience
Dès les premières phases du projet, un point clé est instauré : le feedback systématique. Chaque mission donne lieu à un retour croisé : l’établissement évalue la prestation de l’agent, et le professionnel partage son vécu.
Cette boucle favorise :
- Une qualité relationnelle accrue
- Une amélioration continue
- Un climat de confiance entre terrain, management et partenaires
À terme, ce retour d’expérience permet de professionnaliser la relation de remplacement, et donc de rendre le recours à l’intérim hospitalier plus pertinent quand il est indispensable.
Le feedback transforme un “dépannage” en levier RH
Sans retour, on recommence les mêmes erreurs. Avec retour, on stabilise et on fidélise.

Conclusion : vers une gouvernance éthique du remplacement
Ce projet n’est pas seulement opérationnel. Il incarne une manière plus libre et plus éthique de penser le remplacement. En centralisant les demandes et en instaurant un dialogue continu, il transforme le remplacement en levier de QVT, d’autonomie et de fidélisation.
Prendre soin de ceux qui soignent passe aussi par des outils au service des collectifs. Il s’agit de redonner du sens à l’organisation des soins, tout en adoptant une transparence lucide face à la pénurie et une efficacité réellement partagée.
Le recours aux agents intérimaires deviennent alors non pas une fatalité, mais un point de départ pour construire une complémentarité viable et durable.


















